Les problèmes de « l’homme jardinier »
Aujourd’hui un peu de littérature horticole. J’ai reçu en cadeau (merci ZZ) il y a quelques années un petit livre de Karel Čapek, intitulé dans sa version française L’année du jardinier. Voir plus de détails sur cet auteur tchécoslovaque sur Wikipedia.
Voici un extrait de ce livre concernant les problèmes de posture du jardinier à l’ouvrage.
L’homme jardinier est indubitablement un produit de la civilisation et pas du tout de l’évolution naturelle. S’il avait été produit par la nature, il serait fait tout différemment; il aurait des jambes de scarabée afin de n’être point obligé de s’asseoir à croupetons et il aurait des ailes, d’abord parce que c’est plus joli et, en second lieu, pour pouvoir s’élever au-dessus de ses plates-bandes.
Quiconque n’en a pas fait l’épreuve ne peut se faire une idée de l’embarras que constituent les jambes pour un homme qui ne sait où les poser; il ne peut s’imaginer comme elles sont inutilement longues quand il faut les plier au-dessous de soi pour creuser la terre avec les doigts, et comme elles sont ridiculement courtes lorsqu’on a besoin d’atteindre l’autre côté d’une plate-bande sans écraser un tapis de pyrèthres. Ou être suspendu à une sangle et se balancer au-dessus de ses cultures, ou du moins avoir quatre mains avec, au-dessus, une tête coiffée d’une casquette et rien de plus, ou bien avoir des membres extensibles à volonté, comme un pied d’appareil photographique !
Mais, étant donné que le jardinier est, extérieurement, conditionné de façon aussi imparfaite que tout le monde, il ne lui reste qu’à montrer ce dont il est capable, comme se balancer sur la pointe d’un seul pied, s’élever dans les airs à l’instar d’une ballerine d’opéra impérial, s’écarter en largeur sur quatre mètres, se poser aussi délicatement qu’un papillon ou un hochequeue, faire tenir son corps dans un pouce carré de terrain, se maintenir en équilibre dans des conditions contraires à toutes les lois qui régissent les corps penchés, tout atteindre et s’écarter de tout; et, par-dessus tout cela, conserver, ce faisant, une certaine dignité pour que les gens ne se moquent pas de lui.
Il va de soi qu’au premier coup d’œil vous ne voyez du jardinier autre chose que son derrière : tout le reste, tête, mains et pieds, se trouve au-dessous.